Zéropolis

Le Liban 2022/2024

En 2022, j’ai entrepris un voyage au Liban, un pays marqué par les conséquences de l’explosion

du port de Beyrouth en 2020. Cet événement tragique, qui a bouleversé les infrastructures urbaines

et les vies humaines, m’a confronté à une réalité complexe : un pays oscillant entre fragilité et résilience.

Cette expérience a nourri une série de peintures réalistes à l’huile, évocatrices de mes déplacements

et de mes rencontres, qui capturent un Liban incertain sans pour autant illustrer directement

ses drames. Mes toiles mettent en scène des paysages urbains et des personnages atypiques,

témoins d’un quotidien où l’extraordinaire surgit dans l’ordinaire.

Cette série cherche à offrir un témoignage sensible et humaniste, loin des représentations sensationnalistes,

tout en invitant à une réflexion sur la fragilité et la richesse des espaces urbains contemporains.

Ce dossier présente la genèse, l’approche et les ambitions de ce projet, destiné à être partagé

dans des centres d’art contemporain, musées et galeries.

Contexte et intention artistique

Mon voyage au Liban m’a plongé au coeur d’un pays en reconstruction, à la fois marqué par les

conséquences immédiates de l’explosion du port de Beyrouth et par des tensions sociales et économiques

persistantes. Ce contexte incertain a constitué le cadre invisible, mais omniprésent, de mon

expérience artistique. J’ai choisi de ne pas représenter les drames directement, mais de m’intéresser

aux échos qu’ils laissent dans les paysages et les figures humaines.

Mon intention était de capturer l’essence d’un quotidien où la tension et la poésie coexistent. Les

rues de Beyrouth, ses façades abîmées, et les personnages rencontrés au hasard de mes déplacements

ont été autant de sources d’inspiration pour témoigner d’une résilience discrète mais palpable.

Mon travail se situe ainsi dans un espace intermédiaire, entre le récit et l’évocation, entre l’observation

et l’interprétation.


Beyrouth, 2022, encre et acrylique sur toile, 3x ( 24 cm x 30 cm)

Karm El Zeitoun (Beyrouth), 2023, huile sur toile, 195 cm x 130 cm
Karm El Zeitoun (Beyrouth), 2023, huile sur toile, 195 cm x 130 cm

Un réalisme évocateur

Mon objectif n’était pas de documenter le Liban de manière photographique, mais de transmettre une

profondeur émotionnelle et narrative, en capturant les atmosphères particulières et les tensions sousjacentes

des lieux. Les détails – une fissure sur un mur, un reflet dans une vitre, une posture humaine

– deviennent les vecteurs d’une narration implicite, invitant le spectateur à explorer les scènes

avec son propre regard.

Palette et lumière

Les couleurs jouent un rôle essentiel dans cette série, évoquant les nuances d’un pays où la chaleur

des tons naturels – ocres, bruns, gris pierre – se mêle aux éclats de couleurs vives que l’on retrouve

dans les étoffes, les enseignes ou les détails du quotidien. La lumière est traitée comme un élément

narratif à part entière : tantôt douce et diffuse, elle crée une ambiance contemplative ; tantôt plus

contrastée, elle souligne les reliefs et les textures, accentuant la présence physique des lieux et des

figures.

Compositions et perspectives

Les compositions jouent sur l’interaction entre l’architecture urbaine et les figures humaines. Les

cadrages souvent obliques ou décentrés traduisent un regard en mouvement, inspiré de mes propres

déambulations. Cette manière d’organiser l’espace pictural vise à immerger le spectateur dans une

scène, à le placer au coeur d’une rue ou d’une place, tout en laissant émerger une intimité entre

l’humain et son environnement. Les lignes architecturales structurent les compositions et créent un

dialogue visuel entre les éléments du paysage et les figures, reflétant l’équilibre fragile mais résilient

de ces espaces urbains.

Gemmayze (Beyrouth), 2023, huile sur toile, 195 cm x 130 cm.
Gemmayze (Beyrouth), 2023, huile sur toile, 195 cm x 130 cm.

Urbanité et mémoire

Mes peintures interrogent les traces laissées par le temps et par les événements dans les paysages

urbains. Chaque détail raconte une histoire : une fissure dans un mur, un panneau usé, une route

déserte. Ces éléments participent à une mémoire collective, où le passé reste présent sans être imposé.

Les personnages que je représente incarnent une humanité universelle dans un contexte particulier.

Qu’ils soient des passants anonymes ou des figures saisies dans un moment de répit, ils évoquent

une vie qui persiste discrètement. Leurs gestes, leurs regards, racontent une réalité sobre mais chargée

de sens.

Au-delà des tensions visibles, je cherche à dégager une poésie intrinsèque à ces lieux et ces instants.

Mes peintures sont une tentative de capter cet état d’équilibre fragile, où la beauté réside dans

la persistance des choses simples.

Cette série de peintures se veut une invitation à explorer un Liban au-delà des clichés, à s’arrêter sur

des détails qui racontent plus qu’ils ne montrent. En présentant ces oeuvres, je souhaite engager un

dialogue autour des thèmes de la mémoire, de la résilience urbaine et de l’universalité des vies ordinaires

dans un contexte extraordinaire.