En 2022, j’ai entrepris un voyage au Liban, un pays marqué par les conséquences de l’explosion
du port de Beyrouth en 2020. Cet événement tragique, qui a bouleversé les infrastructures urbaines
et les vies humaines, m’a confronté à une réalité complexe : un pays oscillant entre fragilité et résilience.
Cette expérience a nourri une série de peintures réalistes à l’huile, évocatrices de mes déplacements
et de mes rencontres, qui capturent un Liban incertain sans pour autant illustrer directement
ses drames. Mes toiles mettent en scène des paysages urbains et des personnages atypiques,
témoins d’un quotidien où l’extraordinaire surgit dans l’ordinaire.
Cette série cherche à offrir un témoignage sensible et humaniste, loin des représentations sensationnalistes,
tout en invitant à une réflexion sur la fragilité et la richesse des espaces urbains contemporains.
Ce dossier présente la genèse, l’approche et les ambitions de ce projet, destiné à être partagé
dans des centres d’art contemporain, musées et galeries.
Contexte et intention artistique
Mon voyage au Liban m’a plongé au coeur d’un pays en reconstruction, à la fois marqué par les
conséquences immédiates de l’explosion du port de Beyrouth et par des tensions sociales et économiques
persistantes. Ce contexte incertain a constitué le cadre invisible, mais omniprésent, de mon
expérience artistique. J’ai choisi de ne pas représenter les drames directement, mais de m’intéresser
aux échos qu’ils laissent dans les paysages et les figures humaines.
Mon intention était de capturer l’essence d’un quotidien où la tension et la poésie coexistent. Les
rues de Beyrouth, ses façades abîmées, et les personnages rencontrés au hasard de mes déplacements
ont été autant de sources d’inspiration pour témoigner d’une résilience discrète mais palpable.
Mon travail se situe ainsi dans un espace intermédiaire, entre le récit et l’évocation, entre l’observation
et l’interprétation.
Beyrouth, 2022, encre et acrylique sur toile, 3x ( 24 cm x 30 cm)
Un réalisme évocateur
Mon objectif n’était pas de documenter le Liban de manière photographique, mais de transmettre une
profondeur émotionnelle et narrative, en capturant les atmosphères particulières et les tensions sousjacentes
des lieux. Les détails – une fissure sur un mur, un reflet dans une vitre, une posture humaine
– deviennent les vecteurs d’une narration implicite, invitant le spectateur à explorer les scènes
avec son propre regard.
Palette et lumière
Les couleurs jouent un rôle essentiel dans cette série, évoquant les nuances d’un pays où la chaleur
des tons naturels – ocres, bruns, gris pierre – se mêle aux éclats de couleurs vives que l’on retrouve
dans les étoffes, les enseignes ou les détails du quotidien. La lumière est traitée comme un élément
narratif à part entière : tantôt douce et diffuse, elle crée une ambiance contemplative ; tantôt plus
contrastée, elle souligne les reliefs et les textures, accentuant la présence physique des lieux et des
figures.
Compositions et perspectives
Les compositions jouent sur l’interaction entre l’architecture urbaine et les figures humaines. Les
cadrages souvent obliques ou décentrés traduisent un regard en mouvement, inspiré de mes propres
déambulations. Cette manière d’organiser l’espace pictural vise à immerger le spectateur dans une
scène, à le placer au coeur d’une rue ou d’une place, tout en laissant émerger une intimité entre
l’humain et son environnement. Les lignes architecturales structurent les compositions et créent un
dialogue visuel entre les éléments du paysage et les figures, reflétant l’équilibre fragile mais résilient
de ces espaces urbains.
Urbanité et mémoire
Mes peintures interrogent les traces laissées par le temps et par les événements dans les paysages
urbains. Chaque détail raconte une histoire : une fissure dans un mur, un panneau usé, une route
déserte. Ces éléments participent à une mémoire collective, où le passé reste présent sans être imposé.
Les personnages que je représente incarnent une humanité universelle dans un contexte particulier.
Qu’ils soient des passants anonymes ou des figures saisies dans un moment de répit, ils évoquent
une vie qui persiste discrètement. Leurs gestes, leurs regards, racontent une réalité sobre mais chargée
de sens.
Au-delà des tensions visibles, je cherche à dégager une poésie intrinsèque à ces lieux et ces instants.
Mes peintures sont une tentative de capter cet état d’équilibre fragile, où la beauté réside dans
la persistance des choses simples.
Cette série de peintures se veut une invitation à explorer un Liban au-delà des clichés, à s’arrêter sur
des détails qui racontent plus qu’ils ne montrent. En présentant ces oeuvres, je souhaite engager un
dialogue autour des thèmes de la mémoire, de la résilience urbaine et de l’universalité des vies ordinaires
dans un contexte extraordinaire.